Olivier ROMAND , Pierre Loup CORBIER, Jules FRANZIN et Léonie FUHRER Ostéopathe Nancy
34 rue saint jean 54000 Nancy
L’ostéopathie, discipline manuelle et holistique centrée sur l’équilibre des systèmes du corps humain, est aujourd’hui bien connue dans de nombreux pays. Elle est souvent associée au traitement des troubles musculo-squelettiques, mais elle va bien au-delà, abordant l’individu dans sa globalité physiologique, émotionnelle et fonctionnelle.
Mais d’où vient l’ostéopathie ? Quels sont ses fondements, ses évolutions, ses luttes pour la reconnaissance ? Comment a-t-elle conquis d’autres continents, intégré des approches scientifiques et continué à évoluer sans perdre son identité originelle ?
Plongeons dans l’histoire passionnante de cette approche thérapeutique unique, qui a su traverser les siècles et les frontières tout en restant fidèle à sa philosophie première.
Bien avant la naissance officielle de l’ostéopathie, de nombreuses cultures ont perçu l’importance du mouvement, de la circulation, et de l’équilibre corporel pour maintenir la santé :
En Chine, la médecine traditionnelle s’appuie sur le qi (énergie vitale) et des techniques manuelles comme le Tui Na.
En Inde, l’Ayurveda propose des massages et manipulations pour rétablir l’harmonie des doshas.
Les Égyptiens ou Grecs anciens, tels Hippocrate, utilisaient déjà certaines techniques de manipulation vertébrale.
Les amérindiens, avec qui Andrew Taylor Still entra en contact, pratiquaient des méthodes intuitives de soin par le toucher.
Ce fond culturel prépare le terrain à la naissance de l’ostéopathie, mais c’est au XIXe siècle aux États-Unis qu’elle prend une forme moderne et structurée.
Né en 1828 au Kansas, Andrew Taylor Still est le fils d’un médecin méthodiste. Il apprend très tôt les rudiments de la médecine, qu’il pratique dans le cadre familial, puis pendant la guerre de Sécession où il est chirurgien. Il devient également prêtre, fermier, et penseur.
Mais c’est un événement tragique qui bouleverse sa vie : en 1864, trois de ses enfants meurent de méningite cérébro-spinale. Désespéré et révolté par l’impuissance de la médecine allopathique de l’époque, Still remet en question les fondements du savoir médical de son temps, dominé par les saignées, les purgatifs, le mercure et l’opium.
Still cherche une méthode de soin non médicamenteuse, fondée sur l’observation de la structure et de la fonction du corps. Il développe progressivement sa propre approche thérapeutique, basée sur plusieurs principes :
Le corps est une unité fonctionnelle (os, muscles, organes, esprit).
Le corps possède une capacité d’auto-guérison.
La structure gouverne la fonction.
La liberté de mouvement des tissus et des fluides est essentielle à la santé.
En 1874, Still annonce publiquement la naissance de ce qu’il appelle l’ostéopathie : « osteon » (os) et « pathos » (souffrance), soit « la souffrance qui vient de la structure osseuse ».
Après plusieurs années à pratiquer et enseigner sa méthode de manière informelle, Still fonde en 1892 à Kirksville, Missouri, la première école d’ostéopathie : l’American School of Osteopathy. Il y forme une poignée d’élèves à ses techniques manuelles, à l’étude anatomique poussée, et à sa philosophie de soin.
Parmi les premiers étudiants figurent de nombreuses femmes – fait rare à l’époque. Il considère que les femmes ont toute leur place dans la médecine et le soin.
L’ostéopathie rencontre un succès croissant, attirant des patients de tout le pays. Mais elle se heurte à la méfiance, voire à l’hostilité, des médecins allopathes et des autorités sanitaires. Elle est accusée de charlatanisme, car elle remet en cause les dogmes médicaux.
Peu à peu, pourtant, l’ostéopathie se structure, gagne en légitimité. Les praticiens ostéopathes (DO pour Doctor of Osteopathy) obtiennent progressivement le droit d’exercer dans différents États, à condition de suivre une formation médicale complète.
Dès le début du XXe siècle, l’ostéopathie est reconnue dans certains États américains comme médecine à part entière.
L’ostéopathie arrive en Angleterre dans les années 1910, notamment grâce à John Martin Littlejohn, un ancien élève de Still, médecin et philosophe. Il fonde en 1917 la British School of Osteopathy à Londres.
Littlejohn intègre à l’ostéopathie une approche plus scientifique, influencée par la médecine occidentale, tout en conservant les fondements de Still.
L’ostéopathie britannique se développe dans un contexte médical très réglementé, avec une séparation stricte entre ostéopathes et médecins, contrairement au modèle américain.
En France, l’ostéopathie commence à se faire connaître après la Seconde Guerre mondiale, mais son développement reste lent et souvent marginal. Ce sont souvent des kinésithérapeutes qui se forment à l’ostéopathie en parallèle, parfois à l’étranger.
Parmi les pionniers en France :
Paul Gény
Jean-Pierre Barral
Viola Frymann, ostéopathe américaine influente en pédiatrie
Pierre Tricot, auteur et formateur reconnu
La France, comme d’autres pays d’Europe (Belgique, Suisse, Italie), voit se développer des écoles privées, des associations professionnelles et une lutte de longue haleine pour la reconnaissance légale de la profession.
Dans les années 1930, William Garner Sutherland, élève de Still, développe une approche révolutionnaire : l’ostéopathie crânienne.
Il découvre que les os du crâne, loin d’être complètement immobiles, possèdent une mobilité subtile, liée à un rythme physiologique appelé mécanisme respiratoire primaire.
Sutherland élabore une approche douce, centrée sur l’écoute tissulaire, qui influencera profondément la pratique ostéopathique pédiatrique, émotionnelle, et énergétique.
Au fil des décennies, de nouveaux courants émergent :
Ostéopathie viscérale (Jean-Pierre Barral) : libération des tensions autour des organes internes
Ostéopathie somato-émotionnelle : prise en compte du vécu psychique dans le corps
Ostéopathie énergétique et biodynamique : vision plus subtile du mouvement de vie
Ces approches suscitent parfois des controverses, notamment vis-à-vis de leur validité scientifique, mais elles continuent d’élargir le champ de l’ostéopathie.
Aux États-Unis, les DO sont aujourd’hui intégrés au système médical. Ils peuvent prescrire des médicaments, pratiquer la chirurgie, exercer dans les hôpitaux, etc.
Cependant, les techniques manuelles sont parfois peu utilisées en pratique, certains DO se rapprochant plus des médecins allopathes classiques.
En 1993, l’ostéopathie est officiellement reconnue au Royaume-Uni par l’Osteopaths Act. Le General Osteopathic Council (GOsC) régule la profession, les formations sont universitaires, et l’ostéopathe est un professionnel de première intention.
En France, l’ostéopathie est reconnue officiellement depuis 2002, mais il a fallu attendre 2007 pour que des décrets précisent la formation et l’usage du titre.
Aujourd’hui, les ostéopathes peuvent être formés soit à partir du bac (formation initiale en 5 ans), soit en formation complémentaire pour les professionnels de santé.
Ils n’ont pas le droit de prescrire, mais peuvent être consultés en accès direct, sans ordonnance.
Dans certains pays comme l’Italie, la Suisse, la Belgique, l’Australie, l’Allemagne, l’Espagne, le Canada, ou encore le Brésil, l’ostéopathie connaît des niveaux variés de reconnaissance, de formation et d’exercice. Certaines nations l’intègrent pleinement dans leur système de santé, d’autres la considèrent comme une pratique complémentaire ou paramédicale.
L’ostéopathie contemporaine se situe à la croisée des chemins :
Entre tradition et modernité
Entre approche manuelle intuitive et validation scientifique
Entre globalité holistique et spécialisation clinique
Elle évolue avec les nouvelles recherches en neurosciences, en biomécanique, en immunologie, et s’adapte aux attentes d’une population de plus en plus informée.
Longtemps critiquée pour son manque de preuves, l’ostéopathie investit aujourd’hui dans la recherche clinique, avec des publications sur :
Les lombalgies
Les troubles musculo-squelettiques
Les coliques du nourrisson
La qualité de vie
Le stress et la récupération
Des revues comme l’International Journal of Osteopathic Medicine ou des projets comme OSTÉOBS (France) tentent de structurer les données disponibles.
L’ostéopathie pourrait demain :
Se spécialiser (pédiatrie, sport, périnatalité, gériatrie)
S’intégrer davantage dans des équipes pluridisciplinaires
Participer à des protocoles de soins coordonnés
Devenir une approche de prévention et d’éducation à la santé
L’histoire de l’ostéopathie est celle d’un homme, Andrew Taylor Still, qui a osé remettre en question la médecine de son temps pour chercher une voie plus naturelle, respectueuse et globale. C’est aussi l’histoire d’une idée puissante : le corps humain est capable de s’auto-réguler, si l’on rétablit son équilibre structurel et fonctionnel.
Depuis sa naissance en 1874, l’ostéopathie a traversé les époques, les continents, les critiques et les révolutions scientifiques. Elle s’est transformée, enrichie, parfois divisée, mais toujours fidèle à ses principes fondamentaux : la globalité, la mobilité, la fluidité, la vie.
Aujourd’hui, elle continue d’attirer, de soulager, d’inspirer. Et sans doute, demain, elle saura encore se réinventer pour répondre aux défis de la santé du XXIe siècle.
Article écrit par : Olivier ROMAND , Pierre Loup CORBIER, Jules FRANZIN et Léonie FUHRER, Ostéopathe - Nancy - Tél : 0383354744Pour prendre rendez-vous ou pour toutes questions