Olivier ROMAND , Pierre Loup CORBIER, Jules FRANZIN et Léonie FUHRER Ostéopathe Nancy
34 rue saint jean 54000 Nancy
Les tendinites, ces inflammations douloureuses des tendons, sont un motif fréquent de consultation médicale ou paramédicale. Souvent associées à un surmenage physique, à de mauvaises postures ou à des déséquilibres musculaires, elles touchent aussi bien les sportifs que les travailleurs sédentaires. Cependant, un certain nombre de tendinites semblent résister aux traitements classiques, ou réapparaissent de manière chronique sans cause mécanique évidente.
Dans ces cas-là, il peut être utile d’élargir la réflexion. Et parmi les facteurs souvent négligés figure l’hygiène bucco-dentaire, et plus largement la santé de la sphère oro-faciale. Peut-on réellement faire un lien entre une dent dévitalisée et une tendinite du coude ? Entre une infection gingivale et une douleur d’Achille ? De plus en plus de données cliniques et de recherches montrent que la réponse est : oui, parfois.
Dans ce texte, nous explorerons les mécanismes physiologiques, neuro-mécaniques et inflammatoires qui peuvent relier les troubles bucco-dentaires à l’apparition ou à la persistance de tendinites, en particulier chroniques. Nous verrons également comment l’ostéopathie, la médecine fonctionnelle et les approches intégratives prennent en compte cette dimension pour améliorer la prise en charge globale du patient.
Une tendinite est une inflammation d’un tendon, structure fibreuse qui relie un muscle à un os. Elle se manifeste par :
Douleur localisée (souvent à l’insertion tendineuse)
Sensibilité à la palpation
Douleur à la mise en tension ou contraction du muscle
Parfois un gonflement ou une raideur locale
Les tendinites peuvent toucher différents sites : épaule (coiffe des rotateurs), coude (épicondylite), poignet, genou (tendon rotulien), cheville (tendon d’Achille), etc.
Sursollicitation mécanique (sport, gestes répétitifs)
Manque d’échauffement ou récupération insuffisante
Posture inadaptée
Déséquilibre musculaire
Âge et usure
Déficit de vascularisation locale
Mais de nombreux cas persistent malgré un traitement local, une rééducation, voire une infiltration. Ce sont les tendinites récidivantes ou chroniques, qui peuvent cacher un terrain inflammatoire général ou un trouble à distance, comme une origine dentaire.
Une mauvaise hygiène dentaire peut entraîner :
Gingivites (inflammation des gencives)
Parodontites (atteinte du tissu de soutien de la dent)
Infections dentaires (abcès, granulomes)
Infections chroniques de dents dévitalisées
Bactéries sous-couronnes ou autour d’implants
Ces affections sont souvent peu douloureuses à leur stade chronique, mais elles entretiennent un état inflammatoire latent dans l’organisme. Les bactéries, toxines et médiateurs de l’inflammation peuvent alors passer dans la circulation sanguine, et activer des réponses immunitaires à distance.
La bouche contient un microbiote très dense, dont l’équilibre est essentiel à la santé. En cas de déséquilibre (dysbiose), certaines bactéries pathogènes, comme Porphyromonas gingivalis, peuvent :
Entrer dans la circulation
Activer la réponse inflammatoire
Perturber les tissus conjonctifs
Déclencher une réaction auto-immune
Ces mécanismes sont déjà bien documentés dans des maladies articulaires comme la polyarthrite rhumatoïde, mais pourraient aussi contribuer à des tendinopathies inflammatoires.
Le corps est un tout. Il existe des chaînes musculaires et fasciales reliant des zones très éloignées entre elles. Une tension au niveau d’une mâchoire peut entraîner un déséquilibre de la posture, des compensations au niveau cervical, puis une surcharge du membre supérieur.
Exemple :
Un déséquilibre occlusal (mauvais contact entre les dents) peut provoquer une contraction permanente des muscles masticateurs
Cela peut tirer sur les muscles du cou, désaxer les épaules
Un côté travaille plus que l’autre : surcharge du bras dominant → tendinite
De plus, les nerfs crâniens, en particulier le trijumeau (V) et le nerf vague (X), communiquent avec les centres de contrôle moteur et la régulation de la douleur. Une perturbation oro-faciale chronique peut moduler l’excitabilité neuronale, altérant la proprioception et augmentant le risque de blessure.
Une infection buccale chronique peut entretenir un état inflammatoire de bas grade, caractérisé par une élévation :
De la protéine C-réactive (CRP)
Des cytokines pro-inflammatoires (IL-6, TNF-alpha)
Des radicaux libres
Cette inflammation diffuse peut affecter les tissus peu vascularisés comme les tendons, déjà sensibles aux micro-lésions. Résultat : les tendons deviennent plus fragiles, moins bien réparés, et plus facilement inflammés.
Une étude de 2015 (Journal of Periodontology) a montré une corrélation entre parodontite chronique et douleurs musculo-articulaires, notamment chez les patients actifs.
En médecine du sport, plusieurs praticiens rapportent que des tendinites chroniques ont été résolues après traitement d’un foyer infectieux dentaire.
Une étude japonaise de 2020 a observé que les patients avec une mauvaise occlusion dentaire présentaient plus de troubles posturaux et de douleurs au cou ou à l’épaule.
Tennis elbow résistant ayant disparu après extraction d’une dent infectée
Douleurs chroniques du talon (fasciite plantaire) associées à une couronne dentaire sur dent dévitalisée
Épaule douloureuse chez un musicien, soulagée après équilibrage occlusal par gouttière dentaire
Ces observations ne constituent pas des preuves formelles, mais elles soulignent l’intérêt d’une approche globale en cas de douleur chronique non résolue.
L’ostéopathe formé à la somatotopie dentaire peut repérer :
Des tensions myofasciales liées à une mauvaise occlusion
Un trouble de mobilité cranio-mandibulaire
Un déséquilibre postural d’origine oro-faciale
Il travaille sur les structures liées : ATM (articulation temporo-mandibulaire), cervicales, thorax, diaphragme, etc. Il oriente aussi vers un dentiste si nécessaire.
Le dentiste peut intervenir sur :
Nettoyage en profondeur et traitement des infections (détartrage, traitement de racines)
Extraction de dents mortes ou problématiques
Équilibrage de l’occlusion (meulage sélectif, gouttières, orthodontie légère)
Révision des prothèses ou couronnes mal adaptées
La santé dentaire et tendineuse est favorisée par :
Une alimentation riche en antioxydants (fruits, légumes, oméga-3)
Une réduction du sucre raffiné, qui favorise la dysbiose buccale et l’inflammation
L’hydratation suffisante
Un bon apport en vitamine C, D, zinc et collagène
Voici quelques signes d’appel :
Tendinite récidivante, résistante aux soins locaux
Symptômes bilatéraux sans cause évidente
Terrain inflammatoire (fatigue chronique, douleurs diffuses)
Présence de dents dévitalisées, de couronnes ou d’implants anciens
Mauvaise haleine persistante, saignements des gencives
Maux de tête, douleurs cervicales associées
Craquements ou douleurs à la mâchoire
Dans ce cas, il est utile de faire évaluer l’état bucco-dentaire par un dentiste formé en médecine fonctionnelle, et de travailler en collaboration avec un ostéopathe ou un kinésithérapeute spécialisé.
La tendinite n’est pas toujours un simple problème mécanique ou musculaire. Dans certains cas, elle peut être le symptôme à distance d’un foyer inflammatoire silencieux, comme une infection dentaire chronique ou un déséquilibre occlusal.
L’hygiène dentaire, souvent négligée dans l’évaluation des douleurs chroniques, mérite une attention particulière dans une approche globale, préventive et intégrative de la santé. Les liens entre bouche et corps sont nombreux, qu’ils soient mécaniques, neurologiques, inflammatoires ou énergétiques.
Que vous soyez patient, sportif, thérapeute ou médecin, il est temps d’ouvrir les yeux sur cette interaction peu connue, mais essentielle, entre santé buccale et musculo-squelettique. Une tendinite récalcitrante peut parfois se résoudre… par la bouche.
Article écrit par : Olivier ROMAND , Pierre Loup CORBIER, Jules FRANZIN et Léonie FUHRER, Ostéopathe - Nancy - Tél : 0383354744Pour prendre rendez-vous ou pour toutes questions