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Intégration du modèle bio-psycho-social au sein de la douleur

Intégration du modèle bio-psycho-social au sein de la douleur

Dans le cadre de ma pratique quotidienne en ostéopathie, il est classique d’expliquer les douleurs (qu’elles soient aigües ou chroniques) par des phénomènes uniquement biomécaniques. Elles sont souvent expliquées par des dérangements douloureux intervertébraux mineurs (DDIM), des dysfonctionnements articulaires/ tissulaires, une mauvaise posture répétée ou ponctuelle. Pourtant, l’avancée des neurosciences depuis plus d’une décennie nous offre une compréhension de la douleur plus multidimensionnelle, confrontant le modèle bio-médical avec le modèle bio-psycho-social. Ce qui nous donne de nouvelles indications pour prendre en charge la douleur de nos patients.

Le mécanisme de la douleur

« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes ». IASP 1979. Elle peut être aigüe ou chronique mais aussi :

  • nociceptive : douleur localisée plus ou moins référée somatique/viscérale, d’apparition récente lié à une mise en charge ou à la stimulation d’une structure anatomique.
  • nociplastique : douleur résultant d’une altération de la nociception sans forcément que les nocicepteurs soient activés (par des dommages tissulaires réels ou potentiels) ou soit par une maladie ou une lésion du système somato-sensoriel.
  • neuropathique : douleur due a une lésion ou maladie du système nerveux périphérique somato-sensoriel. Mécanisme de sensibilisation centrale/ périphérique impliqués.

Brinjikji et al (1) regroupe l’ensemble des atteintes de structures sur des personnes asymptomatiques (qui n’ont pas de douleur). Ainsi, plus de 40% des personnes de 40 ans ont une saillie discale, plus de 60% des personnes de 60 ans ont de l’arthrose facettaire lombaire et 40% des personnes de plus de 80 ans, ont une spondylolisthésis (glissement d’une vertèbre en avant par rapport à celle du dessous) : et tout ceci, sans douleur… Le problème de structure ne semble pas prédisposer à  la douleur.

douleur ostéopathie

La nociception

La nociception permet de transmettre un signal d’alarme depuis la périphérie jusqu’au cerveau lorsqu’il y a lésion ou danger. Grâce à ses capteurs de trois types (thermiques, mécaniques ou chimiques), l’influx nociceptif est transduit en influx électrique, arrive en regard de la corne dorsale de la moelle épinière, puis transmis au cerveau pour qu’il puisse être perçu. Pendant tout ce chemin, le message peut être inhibé ou facilité, influençant donc le message à l’arrivée. La nociception n’est pas systématiquement en lien avec la douleur. Ainsi, la douleur n’est donc pas toujours liée à une lésion tissulaire. La causalité linéaire de la douleur qui s’inscrit dans un modèle bio-médical a ses limites et nous demande que notre réflexion s’élargisse. A contrario, certaines douleurs peuvent persister au-delà de la cicatrisation d’une blessure ou lorsque aucune atteinte tissulaire n’est détectée. Le signal d’alarme qui, contribue à la survie d’un individu et à la perpétuité de l’homéostasie, peut parfois être exacerbé. C’est le cas par exemple du syndrome de la sensibilisation centrale (2). La douleur n’est donc pas toujours liée à une lésion tissulaire. Mais attention, la douleur perçue est toujours belle et bien réelle, quelle qu’en soit son origine.

ostéopathe douleur

Le modèle bio-psycho-social

Introduit en 1977 par le Dr Engel, cette approche permet d’apporter un changement considérable dans la conception de la santé et de la maladie. Selon ce modèle, la maladie mais aussi la santé sont le produit d’interaction entre des facteurs psychosociaux et biologiques. « Le modèle bio-psycho-social est un modèle conceptuel proposant que des facteurs psychologiques et sociaux soient inclus aux variables biologiques pour la compréhension de la pathologie d’une personne, dans ce cas, la douleur musculo-squelettique » IASP 2009

Peur et croyances

Lorsque la douleur apparaît, elle peut être modifiée par une attitude d’évitement, la peur de bouger ou l’esprit de catastrophisme. On parle du modèle de peur-évitement introduit par Vlaeyen et Grombez (3). « ma vertèbre est déplacée » « mon bassin est décalé » « de toute façon j’ai de l’arthrose, c’est héréditaire ». Il peut y avoir deux réponses comportementales liées à la douleur :

  • l’évitement
  • l’affrontement.

La mauvaise interprétation de la douleur peut conduire à une peur, qui va être à l’origine de comportements à la recherche de sécurité mais inadaptés/ contreproductifs. On y retrouvera hypervigilance, pensée catastrophique, conduite d’échappement/ évitement (arrêt des activités sportives, contacts sociaux…), attention et précaution exacerbées. Le schéma ci-dessous représente le modèle cognitivo-comportemental de la peur liée à la douleur (4).

ostéopathe douleur peur

Notre douleur est modulée par nos peurs et nos croyances. Ce modèle peut être nuancé par une prise en charge du patient dans sa globalité avec encouragement en sa capacité d’adaptation, de l’intérêt de bouger et d’être rassuré quant à la robustesse de son corps. Illustré par Greg Lehman (5), cette tasse correspond à notre capacité à supporter les stress bio-psycho-sociaux; elle déborde s’ils sont trop nombreux. Nous avons tous la capacité d’adapter ces facteurs ! Nous devons en tant que praticien, prendre en compte ce modèle bio-psycho-social, pour accompagner au mieux nos patients.

peur posture douleur

Enfin, je vous laisse en lien le blog passionnant de Laurent Fabre (6), vers lequel vous pouvez vous diriger pour approfondir vos recherches en lien avec les neurosciences. Il dispense une formation disponible en E-Learning sur le site du CFPCO. Formation passionnante ouverte aux médecins, kinésithérapeutes, ostéopathe ou encore personnes curieuses d’en savoir plus sur ce sujet. L’équipe d’Oostéo remercie Clémentine Pillard, ostéopathe D.O. diplômée, pour cet article. Vous pouvez consulter le site internet de Clémentine à Chaumont. Pour une consultation, n’hésitez pas à contacter Clémentine Pillard – Ostéopathe au 60 Place Aristide Briand, 52000 Chaumont.

Sources

(1) Brinjikji, W., Luetmer, P. H., Comstock, B., Bresnahan, B. W., Chen, L. E., Deyo, R. A., … & Wald, J. T. (2015). Systematic literature review of imaging features of spinal degeneration in asymptomatic populations. American Journal of Neuroradiology, 36(4), 811-816. Consulté le 9 février 2020. (2) S Canavero et V Bonicalzi, « Central pain syndrome: elucidation of genesis and treatment », Expert Review of Neurotherapeutics, vol. 7, no 11,‎ novembre 2007, p. 1485–1497. Consulté le 9 février 2020. Consulté le 17 mars 2020. (3) Asmundson GJG, Vlaeyen JWS, Crombez G. Understanding and treating fear of pain. Oxford: Oxford University Press; 2004. Consulté le 17 mars 2020. (4) Vlaeyen JW, Kole-Snijders AM, Boeren RG, et al. Fear of move- ment/(re)injury in chronic low back pain and its relation to behavioral performance. Pain 1995;62:363–72. Consulté le 17 mars 2020. (5) http://www.greglehman.ca/ Consulté le 17 mars 2020. (6) https://gestiondeladouleurenthrapiemanuelle.wordpress.com/category/neuroscience/. Consulté le 17 mars 2020


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